PART II
J’ai d’abord reçu un appel d’un vieil ami, David Oddie. Il avait supervisé un album que j’avais fait avec Graham Bonnet en 1976 (GB devait par la suite rejoindre Rainbow, Michael Schenker et Alcatraz). David Oddie avait aussi été co-producteur d’un single enregistré par mon ancien groupe semi-professionnel, The Sovereigns (vers 1965, je crois).
Il m’a appelé de manière totalement inattendue et m’a demandé si cela m’intéresserait de travailler avec Graham, que je connaissais bien en tant que voix des Marbles (Only One Woman).
L’album suivant, qui fut enregistré en différents endroits avec comme ingénieur du son mon grand ami John, mon ingénieur du son habituel, s’est fait dans la joie et a été vivement acclamé par la critique (j’en suis d’ailleurs toujours très fier !). Il a très bien marché en Australie. (Pour parler d’autre chose, je suis actuellement en discussions avec Graham au sujet de la possibilité pour nous de retravailler ensemble.)
Graham était alors managé pour Quarry Productions par David Oddie, de l’équipe de managers de Status Quo.
Quoi qu’il en soit, David m’a mis en contact avec Colin Johnson, le manager personnel du groupe. Celui-ci m’a dit que les gars avaient apprécié l’album de Graham Bonnet, en particulier le son de la guitare, et il m’a demandé si cela m’intéresserait de produire Status Quo ?
Mais qui est-ce que cela n’aurait pas intéressé ?
J’ai rencontré un peu plus tard Frame et Rick dans la nouvelle maison de Francis, dans le Surrey (c’était une maison magnifique, et je me souviens avoir entendu Frame dire qu’il aimerait bien pouvoir se payer une telle maison - elle avait coûté 50 000 £).
La première réunion devait durer une heure, mais au bout de 3 heures, les gars m’ont suggéré de dire à mon chauffeur de rentrer chez lui !
On a vraiment bien accroché. On a bavardé, fait des blagues, joué verbalement au chat et à la souris, et je me suis rendu compte que nous avions le même humour (cynique ?) et qu’il était évident que nous pouvions nous entendre et travailler ensemble. On a parlé musique et influences, mais très peu de l’album à venir. L’objectif de cette rencontre était tout simplement de savoir si nous pouvions établir de bonnes relations personnelles. Je pense que cet aspect est essentiel et souvent mis de côté. Si vous êtes incapables de bien vous entendre personnellement, vous avez devant vous un sacré mauvais moment à passer !!
Mon manager David Walker et moi avons ensuite rencontré CJ (Colin Johnson) pour déterminer quelles étaient les attentes pour ce nouvel album. Gardez à l’esprit qu’à ce stade, on l’appelait simplement "l’album". RAOTW n’est devenu son nom que beaucoup plus tard.
Il m’a été dit très clairement que nous devions démarrer avec une toile totalement vierge. Ils souhaitaient un son "clean", une orientation plus commerciale et, si possible, quelque chose qui pourrait plaire au marché américain que nous n’avions pas conquis jusque-là.
La rencontre suivante a eu lieu dans la maison d’Alan, à Coulsden. Juste lui et moi. À nouveau, nous nous sommes bien entendus. Nous avons juste écouté des démos et nos disques favoris.
Peu de temps après, une autre session ambulante a été organisée chez Alan. Nous avons installé le groupe, en partie à l’intérieur et en partie à l’extérieur du garage qui surplombait sa piscine. C’est la première fois que John (Eden) s’est pointé pour voir ce qui se préparait !!
Je me souviens qu’une fois installés, ils ont simplement joué un peu ensemble (il me semble qu’il s’agissait des morceaux anciens, comme Don't Waste My Time). Et là j’ai pensé « P---, quel feeling ».
J’avais déjà pu apprécier Status Quo en tant que spectateur, mais c’était intéressant de voir de près ce qui faisait EXACTEMENT l’unicité des morceaux de Status Quo. Et croyez-moi, c’est l’interaction subtile des techniques de Rick et Frame dans un morceau qui les rend si uniques !
Nous avons ensuite parcouru quelques démos et les gars ont proposé des chansons pour l’album. C’est là que j’ai commencé à comprendre le fonctionnement du groupe, mais ça, c’est une autre histoire ! J’ai fait remarquer à CJ que nous aurions de graves problèmes au niveau du son si nous tentions d’insérer dans l’album les chansons de tout le monde, mais.......
Je me souviens que John (Spud) aimait tout particulièrement jouer Baby Boy car ce n’était pas la norme, et il adorait le jouer à contre-temps, presque une demi-pulsation rythmique.
RAOTW n’était même pas au programme à ce stade.
Après cela, nous nous sommes mis d’accord pour travailler ensemble et nous avons commencé à faire les arrangements.
Comme l’a dit PP, nous avons commencé la saga en partant à Dublin. L’endroit était fabuleux- avec la Guiness et ce sens de l’humour si particulier !
Francis et moi nous nous souvenons encore de la fois où on était au restaurant du Jury’s Hotel. Là, je demande au serveur comment est le canard et le gars me répond très sérieusement : « C’est un petit oiseau, à peine moins gros qu’une poule.....! »
Sans parler du maître d’hôtel mettant le feu à un jeune apprenti auquel il apprenait à faire des Irish Coffees !!!
Ç’a été un feu roulant de blagues et d’argot rimé, mais tout cela a contribué à construire une relation personnelle très solide.
Quelle honte, ce studio !! Disons, pour faire simple, qu’il était basique. Il était très difficile de s’habituer aux moniteurs (je ne me souviens même pas de la marque), alors j’ai demandé à mon assistant Keith d’aller chercher mes JBL 4320 et de me les rapporter.
De toutes façons, ça ne fonctionnait toujours pas, alors nous avons tout abandonné et sommes repartis à Londres pour reprendre nos activités.
(Autre note : En y repensant, je me dis souvent que la production à Dublin aurait pu avoir des résultats différents, plus favorables – un son plus brut, moins "léché". Seulement voilà, ce n’était pas cela qui était à l’ordre du jour !)
Et comme JE l’a expliqué, nous avons beaucoup travaillé au Manor (le superbe studio de Richard Branson dans sa maison à la campagne). J’avais aussi un accès privilégié chez Threshold, le superbe studio privé des Moody Blues dans l’immeuble Decca à West Hampstead (j’ai beaucoup travaillé pour Decca et, ironie du destin, j’ai par la suite fait deux albums avec les Moodies).
Le dénominateur commun de ces studios était le design Westlake Audio de Tom Hidley. Tom avait conçu des studios partout aux États-Unis (The Record Plant, Westlake Audio, etc.) et on commençait à en trouver quelques-uns en Europe. Le Manor et Threshold étaient les premiers.
La mode à l’époque (particulièrement aux États-Unis) était aux environnements insonorisés, bien cloisonnés (par ailleurs, souvenez-vous que l’on m’avait martelé la nécessité d’un enregistrement qui plairait aux américains). Toutes les salles étaient configurées de manière à présenter une courbe de réponse en fréquence aussi plate que possible.
Alors que des salles à échos (très vivantes) auraient pu ajouter tant d’autres éléments à l’équation, cet amortissement phonique des espaces d’enregistrement et de régie servait à créer une situation dans laquelle vous pouviez construire des installations similaires partout dans le monde, entièrement compatibles les unes avec les autres. En d’autres termes, en utilisant un studio Westlake, nous pouvions enregistrer en Suède, mais faire le mixage à Londres et continuer à reconnaître ce qu’on avait sur les bandes !
Nous avons posé des questions tout autour de nous et avons finalement réservé aux Studios Bohus à Göteborg. Comme l’a souligné PP, les propriétaires étaient des gens vraiment formidables et le studio tout à fait au niveau souhaité.
À ce stade, j’aimerais préciser que mon premier choix en matière de studio était l’Olympic à Barnes. Ce studio était superbe d’un point de vue technique, mais sa principale salle d’enregistrement était ouverte, vivante et vibrante.
Comme je l’ai déclaré à maintes reprises, il existait au Royaume-Uni de nombreux autres studios plus appropriés pour enregistrer (notamment le Marquee où PP travaillait et dont j’avais été très satisfait), mais il n’en était pas question. Il fallait absolument que Status Quo enregistre à l’étranger, un point c’est tout.
Le sachant, nous avons décidé d’un commun accord de nous rendre là où nous pourrions au moins garantir une certaine uniformité, et c’est ainsi que le studio Bohus fut réservé.
Souvenez-vous : à aucun moment, lors du briefing, il n’avait été question de reproduire EXACTEMENT le son de Status Quo jusqu’à présent –nous commencions une toute nouvelle partie.
La date de début a donc été fixée, les billets d’avion, le studio et les hôtels réservés... et Spud a fait une crise d’appendicite !!
Une fois enfin arrivés à Göteborg, nous sommes descendus à l’hôtel Esso Ramada, avons pris une journée pour nous installer, et puis, le jour de la première session, j’ai reçu le matin au réveil un appel de Bob Young : « Bonjour Pip, il est 9 heures du mat’ et Elvis est mort!!! »
voila....